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Le mal aimé...
Eh oui, c'est moi le mal aimé. Pourtant j'abrite dans
mes entrailles les trésors de votre communauté, ceux qui sont trépassés
depuis que la paroisse est née. Ces élus qui par leur diversité ont
contribué à nous faire évoluer. Je suis votre cimetière, l'ultime
endroit où vous survivrez sinon dans les coeurs aimées.
Par le passé, des ancêtres bien intentionnés, mode
aident, tondeuse manquant, ont façonné des murets de béton dans mon
giron, créant avec les années, des restrictions pour l'entretien et la
gestion. Sans doute n'ont-ils pas soupçonné qu'herbes et chardons
dameraient le pion à l'harmonie des environs. ces envahisseurs font la
guerre aux allées et aux lotissements bien aménagés, résultat: je suis
dépassé!...
Ayant eu la mauvaise idée d'enterrer ceux qui m'ont
ainsi divisé, réalisant que bien des familles sont décimées depuis, ou
bien trop éloignées, je ne suis pas étonné qu'aujourd'hui on peine à
perpétuer ce qui faisait jadis ma beauté. Hélas, je suis devenu
l'éternel oublié.
Oh, je voudrais bien à nouveau respirer, voir le
soleil après la pluie. Sous mes pierres concassées, j'aimerais
offrir à mes habitués un cinq étoiles et plus quand il fait nuit.
Si un mécène m'était donné, mes protégés profiteraient peut-être d'un
terrain nivelé, gazonné. Il est toujours permis de rêver!. .
.
Avec des ressources limitées je crois qu'il vaut
mieux dans le présent, faire revivre dans mes allées la gloire du temps
passé. Un patrimoine a bien le droit d'exister et d'être fier de
ses particularités. J suis unique avec mes carrées, personne pour
rivaliser chez mes voisins d'à côté, si du plus laid je devenais le plus
beau, du coup je retrouverais ma fierté et ferais l'envie de toutes les
municipalités du comté . . . Rien qu'à y penser je sens le
sol vibrer! . . .
Et voilà que depuis l'été a passé, ces
réflexions on germé dans l'esprit des gens, je suis un vrai p'tit
ratoureux vous savez!. . . Les mois d'août, septembre et
octobre ont vu des zélés m'approcher, ils m'ont bichonné 'de la
tête aux pieds'. Imaginez, . . . j'ai été sarclé, les
escaliers, le mur et les monuments furent lavés, j'étais gêne, à mon âge
a-t-on idée!? . . . Le calvaire y a goûté, mes statues
fraîchement peinturées sont transformées. Mes voeux sont enfin
exaucés, je suis emballé et mes lots renversés.
Comment dire merci à ces généreux bénévoles. Je
salue la grande disponibilité des amis Alcide, Fabien, Yvon, Sirice, Luc
et René. Depuis des années que ces gars-là m'entourent, j'apprécie
leur persévérance et leur polyvalence. Ma reconnaissance va
également aux marguilliers, Roger, Lauréat, Yves et Richard qui ont
investi temps et énergie, il en est de même pour la participation
inégalée, d'Yvette, Huguette, Réjeanne, Tom, Rosaire, Raymond et de
familles intéressées. Grâce à eux tous je suis réanimé, je me sens
comme un miraculé, plein de vie en dedans.
Je n'ai pas beaucoup de temps pour me pavaner, une
autre saison s'annonce, la saison morte dit-on, ça me va, à l'usure on
se fait une raison! . . . Novembre sonne le glas des
visites en mes lieux, décembre venu je veux bien dormir sous un linceul
blanc, mais à l'idée que vous puissiez m'oublier à nouveau au printemps
j'en ai des frissons et le froid n'y est pour rien, parole de revenant.
De grâce ne me placez pas avec vos fantômes au
grenier ni avec vos squelettes dans le placard. . . Dès la
nature en éveil revenez dans mes quartiers où paix et sérénité vous sont
assurées.
Dans cette enceinte clôturée, j'aurai plaisir à vous
retrouver. Parents et amis seront comblés.
D'ici là, bon hiver! . . . À très bientôt! . .
.
Votre cimetière
Octobre 2012
/Réjeanne |
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